Jean de Léry a publié le récit du voyage que, jeune cordonnier, il avait entrepris en 1557 dans l’actuelle baie de Rio de Janeiro. Le pasteur calviniste qu’il est devenu au moment de l’écriture condamne aux flammes de l’enfer les Indiens tupinambas, coupables de se livrer à une fausse religion. Mais l’homme se rappelle avoir eu pour ces Indiens, parmi lesquels il a vécu, des sentiments amicaux, à l’image de cette représentation de la famille tupinamba dont il a programmé le dessin : « pour remplir ceste planche, nous avons mis aupres de ce Toüpinambaoult l’une de ses femmes, laquelle suyvant leur coustume, tenant son enfant dans une escharpe de cotton, l’enfant au reciproque, selon la façon aussi qu’elles les portent, tient le costé de la mere embrassé avec les deux jambes. » Le dessinateur s’est souvenu de l’emblème de la Charité dans l’ouvrage de G. de Montenay, et c’est dans un même geste tendre que le petit Indien semble présenter la tête de sa maman. Le lectorat calviniste de l’époque aura été à même de reconnaître dans cette image singulière de l’Indienne à l’enfant ce que Léry explicite bien plus loin : ce peuple que l’on dit « sauvage » et « barbare » est capable, dans les relations sociales qu’il développe au sein des villages, de démontrer des vertus que les chrétiens des guerres civiles ne savent plus mettre en œuvre.

Cette représentation inédite d’une charité sauvage devait être largement diffusée en pays germanique, à partir du moment où les rééditions de la Cosmographie de Munster intégrèrent la matière brésilienne en accueillant les renseignements fournis par Jean de Léry.