L’éducation des princes du XVe au XVIIIe siècle

À toutes les époques, l’éducation des princes correspondait à la fois à la nécessité du temps et aux héritages du passé. Les principes choisis par les familles étaient fonction de l’idée qu’on se faisait de l’exercice du pouvoir.

Un petit chef

La pratique de l’education des princes, ou l’histoire de Guillaume de Croy / Antoine Varillas.- Amsterdam : H. Wetstein & H. Desbordes, 1684 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, 71898)

Dans Le Prince de Machiavel en 1513, l’accent était mis sur les capacités du souverain à agir pour le bien et la survie de l’État malgré les luttes de pouvoir intestines en Italie, c’est-à-dire la prudence et l’anticipation. Ainsi l’enfant devait être éduqué avant tout à son « métier de roi » par l’exemple et la pratique, tel Charles Quint qui, sous la férule de son précepteur Guillaume de Croÿ, passait son temps, loin des jeux et des plaisirs, à collaborer à l’exercice de l’État. Mais la vertu principale d’un prince, dans le contexte violent de l’époque moderne, était d’être un bon chef de guerre et l’apprentissage de cet art passait par la pratique de la chasse à courre dès le plus jeune âge.

Vers une éducation humaniste

Institutio principis christiani / Érasme.- Cologne : Eucharius Cervicornus, 1529 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, XVI 423)

Ce fut aussi à cette période que cet apprentissage se teinta d’une éducation humanisme. Trois ans après Machiavel, Érasme proposait une formation fondée sur les vertus chrétiennes et les exemples antiques. Un prince ainsi éduqué devait chercher le bonheur et la liberté de son peuple, ainsi que la construction d’une paix universelle. La montée de l’absolutisme et la sacralisation du pouvoir monarchique attendaient une toujours plus grande exemplarité de la part des souverains et un savoir quasi encyclopédique. C’est pourquoi les Belles Lettres, l’histoire, les langues étrangères et peu à peu les sciences prirent de l’importance dans l’instruction des petits de roi.

Des outils éducatifs variés

Si l’instruction passait majoritairement par la pratique, elle était complétée par la lecture des grands auteurs, l’échange avec les gens de la cour, parfois artistes ou savants. Grâce à l’imprimerie, une littérature spécifique se développa : des Institutions, des Miroirs des princes, des traités d’éducation étaient régulièrement adressés aux infants. La formation passait également par des attitudes spécifiques des formateurs : la fessée, considérée comme l’acte éducatif au XVIsiècle, n’avait presque plus cours à la fin du XVIIIsiècle.

Des acteurs multiples

Les parents étaient rarement les éducateurs réels de leurs enfants. On pourrait dire qu’ils l’étaient avant tout par délégation et parfois par un fait exceptionnel ; lors d’une cérémonie, d’un voyage, l’enfant s’imprégnait de l’exemple de ses parents. Mais souvent le métier de souverain, la nécessité de protéger l’enfant ou la mort prématurée des parents occasionnaient des ruptures dans l’éducation des princes. Avant sept ans, l’enfant vivait au milieu de l’affection de ses nourrices et, parfois, de ses parents, puis intervenaient les gouvernantes, les gouverneurs et les précepteurs, plus ou moins attentifs au progrès et à la santé de l’enfant. Le rôle des parents n’en demeurait pas moins important, dans le choix, par exemple, des membres de ces maisons des princes puis, à la fin de la période, dans l’instruction même de leur progéniture.

L’éducation des princes fut un enjeu important de la conduite du pouvoir durant toute la période, à tel point que Camille Desmoulin incita en 1789 la nation à « diriger exclusivement l’éducation » du prince héréditaire.

Benoît Traineau

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