L’obstétrique au XVIIIe siècle. Des progrès dans les connaissances, la pratique et la formation

En 1668, François Mauriceau publia le Traité des maladies des femmes grosses et accouchées, qui fit de l’obstétrique une spécialité à part entière. La médecine des femmes n’en était alors encore qu’à ses débuts. Le plus souvent, le discours médical rappelait et renforçait les rôles que devait jouer la femme dans la société, donner naissance à des enfants et s’en occuper ; les femmes étaient vues avant tout comme les descendantes d’Ève, qui fut à l’origine du péché originel et de ses conséquences, entre autres l’accouchement dans la douleur.

Innovations et retards dans les connaissances médicales

Observations importantes sur le manuel des accouchemens / Hendrik Van Deventer.- Paris, 1734 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Méd. 509)

Le XVIIIe siècle fut à bien des égards un siècle charnière. Les pratiques et connaissances anciennes, notamment celles de l’Antiquité, subsistaient. Les médecins, qui ne pouvaient toucher les malades et craignaient que les chirurgiens n’obtinssent une grande renommée par la pratique de l’obstétrique, ne réussirent pas à empêcher le chirurgien accoucheur de s’imposer au début du XVIIIsiècle ; ce dernier n’agissait toutefois que dans les cas d‘accouchements compliqués.

Par ailleurs, la science médicale progressa : une place plus importante fut accordée aux observations ; de nouvelles techniques ou procédures furent mises au point à partir d’expérimentations, toujours répétées dans des conditions identiques ; les connaissances en anatomie s’enrichirent, grâce à la multiplication des dissections, en particulier féminines, et furent diffusées par des imprimés illustrés de gravures scientifiques, qui complétaient les explications et devaient faciliter la mémorisation  ; enfin, on chercha à classer les maladies, de même que le reste des savoirs et des connaissances faisait l’objet de tentatives d’organisation au siècle des Lumières.

La formation des sages-femmes

Abrégé de l’art des accouchements / Angélique Marguerite Le Boursier du Coudray.- Paris : Debure, 1777 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Méd. 2409)

Pendant la plus grande partie de l’époque moderne, les matrones de village, qui accompagnaient la future mère au moment de l’accouchement, n’apprenaient que sur le terrain et étaient très mal préparées pour faire face aux cas particuliers (enfants se présentant par le siège, cordon enroulé autour du cou du nouveau né, etc.). Les sages-femmes étaient méprisées par les médecins, mais leurs connaissances progressèrent de manière considérable au XVIIIsiècle. À partir des années 1760, tout fut mis en œuvre pour les former. Angélique Marguerite Le Boursier du Coudray parcourut, avec un mannequin de parturiente, le royaume de 1767 à 1785, pour former sages-femmes et chirurgiens. Comme Louise Bourgeois au XVIIsiècle, elle publia des manuels et fut en cela imitée par d’autres, telles que Marie-Louise Lachapelle, première directrice de l’École des sages-femmes de Paris.

Toutefois, les sages-femmes restèrent assez peu nombreuses et, souvent, s’installèrent en ville ; dans les campagnes, les matrones non formées représentaient la majorité des accoucheuses à la veille de la Révolution.

L’accompagnement de la grossesse

Beaucoup d’idées reçues circulaient sur la grossesse. On conseillait aux hommes et aux femmes de tout faire pour éviter les avortements spontanés. La femme enceinte devait satisfaire toutes ses envies alimentaires, sans quoi le corps de l’enfant risquait d’être marqué ; elle ne devait pas non plus voir de spectacle choquant. On craignait en effet qu’elle ne donnât naissance à un enfant anormal ou monstrueux. Des pratiques magiques étaient également adoptées pour faciliter l’accouchement.

En cas de problème…

Si la vie de la femme et de l’enfant ne pouvaient être sauvées en même temps, les chirurgiens comme l’Église pensaient qu’il ne fallait pas choisir car il n’était pas envisageable de sauver une personne aux dépens de l’autre. Mauriceau, lui, recommandait de choisir la mère, après avoir baptisé le nouveau-né ; le baptême primait car l’accent était alors mis sur la vie spirituelle.

Anne-Sophie Traineau-Durozoy

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