Les jeux pédagogiques : « déguiser en forme de jeux les sciences » (Jean Desmarets de Saint-Sorlin)

L’idée que le jeu puisse avoir des vertus pédagogiques fut longtemps discutée et contestée. Certains penseurs de l’Antiquité, Aristote, Platon et Quintilien, estimaient que l’enfant pouvait s’instruire plus efficacement par le jeu. Mais, durant le Moyen Âge, le jeu, synonyme d’oisiveté et de futilité, n’avait plus sa place à l’école. Il fut réhabilité à la Renaissance, notamment par Rabelais et Montaigne, pour lequel les jeux étaient les activités les plus sérieuses des enfants. L’humanisme, porteur d’une pédagogie nouvelle, a enrichi la pédagogie par le jeu de nouveaux outils, les jeux pédagogiques.

Les cartes pédagogiques : « des chartes, non pour jouer, mais pour y apprendre » (Rabelais, Gargantua)

Cartes de geographie /Pierre du Val.- Paris : Mademoiselle du Val, 1688 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, Ug 03)

Au XVsiècle, en Italie, apparaissaient les Naïbis, premières cartes dont les illustrations initiaient les enfants aux vertus, aux arts, aux métiers ou encore aux sciences.

Jeu des reynes renommées / Stefano Della Bella, Jean Desmarets de Saint-Sorlin.- Gravure à l’eau-forte aquarellée (Gallica bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)

Par la suite, Thomas Murner (1475-1537), théologien, humaniste alsacien, inventa des jeux de cartes pédagogiques conçus pour enseigner la logique (1507) et le Code Justinien (1515) à ses étudiants de l’université de Cracovie.

Devant les progrès considérables réalisés par les élèves, les jeux de cartes, portés par la réflexion des pédagogues sur la fonction mnémotechnique des images, se multiplièrent de 1640 à 1720. Ils furent déclinés en jeu des provinces, jeu de la grammaire latine et autres jeux pour l’instruction de l’histoire, la géographie, l’héraldique, etc.

Jean Desmarets de Saint-Sorlin (1595-1676), académicien, réalisa en 1644, à la demande de Mazarin, les premiers jeux de cartes pédagogiques français. Destinés au jeune Louis XIV, ces quatre jeux traitaient des rois de France, des reines renommées, des fables et de la géographie.

Les jeux de parcours

Encyclopédie méthodique. Dictionnaire des jeux, faisant suite au tome III des mathématiques / Jacques Lacombe.- Paris : Charles-Joseph Panckouke, 1792 (Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, 9669/3)

Au XVIIsiècle un autre type de jeu instructif se développa, les jeux de parcours, dont le jeu de l’oie, inventé à la fin du XVIsiècle en Italie, est à l’origine. Plus ludiques que les jeux de cartes (qui exigeaient le plus souvent la présence d’un livret de texte explicatif), les jeux de parcours se composaient d’une estampe, parfois colorée, ce qui rendait le jeu plus attrayant, de deux dés et de jetons. Les sujets des jeux de parcours étaient les mêmes que ceux des cartes pédagogiques, l’histoire, la géographie, la religion, la morale ou encore l’héraldique.

Les puzzles

Les puzzles auraient vu le jour en Angleterre, vers 1760, lorsque John Spilsbury, cartographe et graveur à Londres, imagina de découper des cartes (collées sur une plaque de bois) pour faciliter l’apprentissage de la géographie. Ses puzzles géographiques remportèrent aussitôt beaucoup de succès. L’idée fut introduite en France, par l’intermédiaire de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, auteur de traités d’éducation, émigrée un temps en Angleterre (1748-1762). Chargée de l’éducation de la jeunesse aristocratique anglaise, elle vit tout l’intérêt pédagogique de l’invention de Spilsbury, qu’elle utilisa avec profit auprès de ses élèves.

Au XVIIIsiècle, les innovations pédagogiques que représentaient ces jeux de cartes, de parcours et puzzles, demeurèrent réservées à l’éducation princière, ou pour le moins aux enfants de la société aristocratique. Puis, au XIXsiècle, avec la démocratisation de l’instruction et l’industrialisation de la production des jeux et jouets, les jeux éducatifs se développèrent, se diversifièrent et profitèrent également aux classes populaires.

Sandrine Painsard

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